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Pourquoi une dynamique réflexive ?

Publié le : 28 juin 2023

La réponse à cette question va se faire sur deux axes :

Le premier en vous faisant bénéficier des propos de Bernardino Torres, philosophe, qui s’est appuyé lors des journée nationales de formations pluridisciplinaires : « Information préoccupante… Professionnel préoccupé » à partir d’un conte Perse ancien « Le philosophe et la chatte ». Ce conte illustre bien que le repérage de toute « mise en danger » et la bienveillance partagée sont difficilement conciliables.

Le deuxième axe portera sur les « résonances » qui s’imposent à nous.

Le conte du Philosophe et de la chatte

Un philosophe vivait en bonne intelligence avec une chatte. Elle l’accompagnait dans sa promenade matinale à travers le jardin aussi bien qu’à la sieste suivant son repas. Elle somnolait près de lui quand il écrivait à son bureau.

Un jour, cette chatte, qui n’avait jamais volé, est repérée par le cuisinier rodant bizarrement dans la cuisine. Elle tente de s’emparer d’une saucisse. Elle est surprise par le cuisinier qui lui administre une solide correction. Elle fuit dans le jardin et se cache dans un arbre. Étonné de ne pas la voir, le philosophe interroge le cuisinier qui l’informe du « crime », de la sanction, et de l’exil dans le jardin.

Le philosophe s’étonne de ce vol. Il part à la recherche de la chatte ; il l’appelle dans le jardin où elle lui répond de l’arbre où elle se cache. Il l’interroge sur les raisons de son larcin. Elle lui dit de regarder près de la cabane de jardin où les chatons dorment. Il comprend qu’elle a volé à cause de ses petits. Il lui pardonne ; le cuisinier a eu tord de la battre ; il lui demande de descendre. Elle exige des excuses du cuisinier. Ce dernier, contraint, fait des excuses demandées.

Cela ne suffit pas ; la chatte est fâchée du comportement des hommes ; le philosophe est obligé d’argumenter : il explique à l’animal que les hommes sont faibles (ils cèdent facilement à la colère et sont plus prompts à punir qu’à comprendre) et ignorants (le cuisinier ne savait pas les raisons de la chatte). La chatte descend enfin de l’arbre pour une petite promenade avec le philosophe dans le jardin. Leur vie reprend son cours normal.

Que nous apprend cette histoire ?

  • D’abord l’abîme qui sépare le cuisinier défendant ses saucisses du philosophe, lequel essaie de comprendre, s’étonne, comme Spinoza qui a écrit : « Il ne s’agit pas de condamner mais d’essayer de comprendre. »
  • Le dialogue, la bonne entente philosophe/chatte permet de résoudre la situation. La bienveillance partagée est bien plus efficace que la sanction qui durcit le « criminel » (qui a gagné à être mis en prison ?). Les êtres agissent selon les nécessités qu’il faut s’efforcer de comprendre avant toute chose.
  • Les excuses du cuisinier ne suffisent pas, il y a un travail d’explication à mener pour « réconcilier ». En effet, la punition peut avoir de conséquences terribles ! Pensez à ce père accusé d’inceste par sa fille et que cette même fille a du écrire un livre pour pouvoir des années plus tard le disculper. Grâce aux explications du philosophe, la cruauté du cuisinier cesse d’être une faute, un crime, pour devenir une erreur, une sottise, un simple égarement.

Cette histoire met à jour deux idéologie contradictoires :

  • Le cuisinier croit que les chats sont des voleurs potentiels ; c’est dans leur nature ; tous les hommes, les pauvres en particulier, sont des maltraitants potentiels ; il faut être vigilant, surveiller, repérer pour taper tôt, vite et fort.
  • Le philosophe pense depuis Socrate que « Nul ne fait le mal sciemment ». Il ne croit pas que l’homme naît mauvais. Pour lui, il ne s’agit pas d’éradiquer d’éventuels méchants, mais de comprendre et faire comprendre : l’écoute, le dialogue, la bienveillance s’impose…

La maltraitance est un malheur ; il faut aider les parents à identifier les causes (carences affectives et/ou éducatives ; violences anciennes, absences de médiation… ) et à les traiter.

Pour notre part, à l’espace rencontre Le Creuset, nous partageons, comme de nombreux professionnels de santé et intervenants sociaux cette deuxième idéologie : la bienveillance.

Les résonances

Lors de nos interventions, nous ne pouvons pas faire abstraction des résonances que provoquent en nous les différentes situations. Mais qu’est-ce qu’une résonance ?

Mony Elkaïm appelle résonance ces « assemblages particuliers constitués par l’intersection des différents systèmes comportant un même élément (… ) Les systèmes humains entrent en résonance sous l’effet d’un élément commun.

Les résonances n’existent pas au préalable. Elles surgissent dans les rencontres, dans les intersections entre les construction du réel des membres du système en jeu. Ce n’est pas un fait objectif ni une vérité cachée que l’on devrait faire apparaître à travers un point commun à différents systèmes. Elle naît dans la construction mutuelle du réel qui s’opère entre celui qui la nomme et le contexte dans lequel il se découvre en train de la nommer ». Extrait de « Si tu m’aimes ne m’aime pas » Mony Elkaim, Édition du Seuil, 2001.

Ainsi, « deux personnes discutent et créent ensemble une construction du réel en assemblant des éléments qui leur sont propres. S’il y a un élément, commun alors apparaît la résonance. » (MP a travaillé à l’espace rencontre comme psychologue et accueillante).

Les supervisions nous permettent de travailler et de prendre conscience de ces résonances. Tout comme, elles nous amènent, lors des entretiens, des rencontres, à nous servir de nos ressentis comme un outil que l’on met au service du système thérapeutique. Si un sentiment émerge, c’est en fonction de ce qui se passe dans la relation aux personnes, et donc cela devient un outil important. De même, ce que l’on vit dans une équipe peut nous servir dans notre travail avec les familles. « Ce que ressent l’accueillant renvoie non seulement à son histoire personnelle, mais aussi au système où se sentiment émerge. Le sens et la fonction de ce vécu deviennent des outils d’analyse.  »

MP nous a fait part de ses interrogations quant aux résonances qu’elle a identifié entre les familles et l’institution.

Elle a également pu montrer qu’il existait un lien entre résonance et Loyauté notamment dans un contexte de crise. Ses réflexions ont fait écho dans notre pratique tant au niveau institutionnel qu’au niveau de l’accueil des familles.

Texte extrait du rapport d’activité de l’espace rencontre Le Creuset de 2010

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