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Transmission

Publié le : 26 juillet 2023

La question de la transmission

L’espace rencontre Le Creuset commence à recevoir les enfants des enfants reçus à ses débuts…

L’espace rencontre Le Creuset reçoit aussi des grands parents qui sont parfois pris dans des conflits qui les dépassent et dont il ne peuvent parler…

Comment les relations familiales se transmettent-elles ?
Répète-t-on inévitablement ce que l’on a vécu ?
Ces questions commencent à se poser lors d’entretiens préalables où les personnes nous parlent de leur enfance.

La famille est le lieu de nombreuses transmissions. Transmettre est d’ailleurs une de ses fonctions essentielles, la transmission concerne d’abord les gènes, ensuite le savoir, la savoir-faire, le savoir-être… Les membres d’une famille sont des lieux d’identification.

Ils peuvent être ce que l’on veut être ou ce que l’on est malgré soi, voire ce que l’on ne veut pas être. Au delà de ces aspects palpables, se transmet une histoire transgénérationnelle, la mémoire de la famille en quelque sorte, se légendes, ses mythes, les événements heureux ou malheureux qui l’ont façonnée.

Ce que l’on transmet, ce sont des idéaux, des mécanismes de défenses, des rites, des repères identificatoires, des énoncés mythiques et idéologiques… Tout cela vise à soutenir l’individu dans sa permanence, sa continuité ainsi qu’à renforcer les liens qui l’unissent à ces pairs. Mais à chacun peut se greffer du symptôme, du lapsus, du secret… La transmission porte alors les sentiments de honte, les refoulés, les deuils non élaborés, les dénis, où le gouvernent le manque, la faille, l’absence, le non-inscrit, le « vécu non vécu » pour citer Winnicott, c’est-à-dire ce qui est resté en souffrance d’élaboration, de représentation, ce qui ne se contient ni ne se lie.

La transmission comporte donc à la fois ce que l’on reçoit et ce que l’on donne à notre tour. Chacun d’entre nous étant un maillon, la transmission nous dépasse. Elle ne fait que passer par nous et prendre à cette occasion un peu de notre empreinte. La transmission subit chaque génération car elle se déforme au cours du temps et des individus qui en sont le relais. Elle se fera parfois par le biais de récits clairs, parfois sous une forme indirecte, gestuelle lors de traumatismes non surmontés…

La transmission est distribuée aux descendants sous la forme de délégations, missions inconscientes… Ce qui induit des loyautés qui sont inhérentes au fait d’appartenir à une famille. La transmission peut alors être considérée comme un héritage familial inconscient, une responsabilité généalogique d’appartenance.

On est cependant en partie acteur dans cette transmission. Françoise Dolto disait « ce n’est pas de votre faute, mais de votre fait ». J’entends par là que chacun peut passivement composer avec ses transmissions ou bien être un « maillon modulateur », pas seulement être traversé par… mais bien transmettre avec un minimum de conscience, de réflexion…

Cette question de la transmission ne pourrait se discuter sans nommer Boszormenyi Nagy et ses travaux sur la loyauté, les dettes, les mérites… B. Nagy base sa théorie contextuelle sur la notion de loyauté ; communément connotée négativement, elle est souvent représentée avec la notion d’aliénation. Pourtant elle dépasse largement cette définition et s’avère pertinente à étudier dans les relations. Dans tous les cas « S’appartenir c’est disposer d’avoirs et de comptes appariés » (in « La thérapie contextuelle de Boszormenyi Nagy, page 171, de P. Michard, édition De Boeck, 2006).

En effet, nous ne pouvons nous affranchir de cette loyauté qui est le fruit de nos relations, elle nous accroche à notre histoire, nous y enracine. La dette commence par celle que l’on a contractée à l’égard des parents du fait même qu’ils nous donnent naissance et s’occupent de nous. Cette dette existentielle ne peut jamais se solder. Ainsi il existe une loyauté originelle, une redevance envers la famille élargie ; il faut composer avec l’idée de n’être jamais délié.

Sa théorie s’étaye encore sur la notion de justice qu’il applique aux relations. Tout agir, tout acte dans la relation n’ont de sens véritablement humain que dans la perspective de la réciprocité de la justice : j’ai des comptes à lui rendre, il a des comptes à me rendre. il en a déduit des cycles portant sur les notions de donner, recevoir et rendre (refuser de donner, accepter d’être créancier, le trop donner/perdre, le droit/la possibilité/la capacité de donner…). Il s’agit de donner en fonction du besoin de celui qui va recevoir.

Pour B. Nagy, l’Autre est une contrepartie essentielle du soi et c’est par elle que l’individuation est possible.

B. Nagy pose deux postulats :

  • Les conséquences des décisions et des actions d’une seule personne peuvent influencer la vie de toutes les personnes qui y sont liées.
  • La vie relationnelle d’une personne reste solidaire des responsabilités des personnes ayant participé à sa réalisation.

Dans les concepts fondamentaux développés, on retrouve la loyauté et la légitimité.

  • La loyauté est une force régulatrice des systèmes. B. Nagy pose alors l’idée que l’enfant présente d’emblée un devoir éthique de loyauté envers ses parents dont il a chercher à s’acquitter, c’est une loyauté qualifiée d’existentielle. La relation parents/enfants sera donc toujours asymétrique, l’enfant ne pourra jamais rendre ce qui lui a été donné. Pour lui, chacun reçoit un héritage (un tâche, une attente…) avant même sa naissance, ceci constituera un patrimoine servant à créer quelque chose de nouveau à partir du passé. Il sera alors du devoir de chacun de restituer ce qui a été reçu, ainsi la transmission se perpétue.
  • Les conflits de loyauté sont inévitables du fait que les familles sont toutes différentes, alors chaque famille peut soit aider à la résolution des contradictions soit considérer les prises de choix comme des trahisons. La loyauté clivée est le fait qu’une personne ne puisse être loyale à autrui qu’en étant déloyale à une autre. Par exemple : une femme cède son enfant à sa mère contre-balancer les loyautés entre les générations…)
  • B. Nagy a représenté les relations familiales sur le modèle des dettes et des mérites. Pour lui il existe une sorte de registre qui comptabilise les dettes et les mérites accumulé par les membres d’une famille, il dresse alors une balance entre le reçu et le donné. Certaines générations peuvent alors se sentir investies du devoir de rééquilibrer.
    Il se réfère au « Grand livre » qui est un terme de comptabilité, où, dès qu’il existe une écriture comptable, il existe en même temps une contre-partie dans un autre compte. Il récapitule l’historique des mouvements par l’inscription de tous es comptes en terme de débit/crédit. (Cf. ouvrage de P. Michard cité plus haut).
    Ainsi les comptes relationnels sont inscrits au-delà de la mémoire de l’un ou de l’autre. Seule la présence simultanée de plusieurs membres de la famille pourrait réactiver certains types de mémoire.

Peut-être pourrait-on proposer à ceux qui nous interrogent anxieusement que transmettre, c’est avant tout donner, que cela nous inscrit dans une chaîne, nous lie les uns aux autres, nous donne des racines pour pousser.

Effectivement, parfois cela peut aussi nous enchaîner, nous enraciner et nous étouffer. Il faut alors tenter de se questionner pour dénouer et avancer.

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Ce texte a été créé par l'équipe de l'espace rencontre Le Creuset
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